Extrait de SANS CESSE -Paysages

Lithoral : Fleuve

Et cet irascible coq que personne n’ose trop approcher, qui se pavane et terrorise les poules derrière l’épicerie, dans le jardin potager. Ou cette jument qui, au détour d’un chemin, charge furieusement les passants habillés de couleurs vives. Toute cette force sauvage retardera la mise en faillite du commerce paternel et la visite de l’huissier durant deux hivers.

Depuis la banquette arrière, difficile de comprendre comment le conducteur et sa voiture trouvent le passage dans cette densité noire. Les phares et leur faisceau jaune n’éclairent que les arbres de la forêt semblant vouloir à chaque virage se précipiter sur l’automobile.

Depuis quel endroit, à partir de quel moment, quel entretien, éblouissement ; depuis quelle fêlure la réalité ? c’est une source qui t’a dit que les morts se rassemblaient dans les saisons, les instants et les bruits. Sounds and songs ! serviteurs du vide et de ses parfums.

Le boucher sur la place du village : son avant-bras est totalement plongé dans la gueule du berger allemand qui écume et saigne pour s’être fiché, dit-on, une esquille d’os de bœuf au fond du palais.

Les hautes chambres sont misérables, tout va à la force.

Sacrés, les grands sacs à grains en corde aux bords ourlés sur le café ou les légumineuses qu’ils contiennent. Derrière le comptoir, la sensation délicieuse d’y enfoncer tout un bras.

Tu es loin et ici : inexplicablement. Le bruit surpuissant du moteur d’un autocar qui passe à proximité, abat toute la réalité. Tu es à la porte réservée de l’absence. Appartenir toujours à l’enfance.