Mère.

Quand tu pris la décision de ne plus attendre

l’eau tomba averse dans nos bouches

depuis le câble téléphonique

et nos cœurs se mirent à battre un sourd vacarme d’orphelins

où s’est fixé ton visage mais aussi ta voix

sa danse

dans sa lenteur basse mais claire

lorsque que tu lançais ton chant de dimanche

dans ta maison du peu bien rangée

_

Maintenant ton cœur germe entre les pavés de la cour

disjoints par le vent le soleil et l’eau

_

Tu es de ce lieu où

par le songe d’une bourrasque de feuilles

sous un rideau de pluie froide

les oiseaux ont porté et glissé ton corps

_

Tu es aussi cet autre et même lieu-visage

une pensée du royaume 

un sommeil

_

Que des gestes

ou presque

alphabet silencieux

si familier et étrange à la fois

Ainsi des mains murmurent la soif

sans appartenir aux larmes

Ainsi s’écoutent des chants

s’enfantent

des souffles-gestes

_

Des animaux invisibles

se faufilent parmi nous et parlent tout bas

eux aussi

en penchant respectueusement la tête

_

Âge de la lune 23,80 jours

Les cœurs s’envolent

Le chant s’élève

La peau soudain écoute le vide

l’enchantement d’un chant de coquillage

conque rose et nacrée de tous les commencements

naissance de la fin et du début

_          

Le rêve est nu

la parole court                        recouvre sa forme

s’emplume      s’enroule

aux spirales de l’air

_

Paroles et corps transparents

ruissellent maintenant d’une mémoire à la vitesse prodigieuse

Frôlement d’un fluide aérien

impondérable lave de conscience

rumeur d’une mutation

– On évite de regarder le ciel

_

L’assemblée se meut

en une chorégraphie indécise

Ainsi monte

une prière

un bruissement d’avant le monde

– les morts sont en voyage

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Tous les 9 février

 je te préparerai un thé mandarine

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Extrait du recueil publié par les Editions Encres Vives dans la Collection Encres Blanches N° 797 – Avril 2020 ISSN 1625-8630 – ISBN 2-8550 Dépôt légal Avril 2020

Image d’entête: pastel de Olivier NEBOUT