Numéro 6 de L’intranquille

Dans ce Numéro 6 de l’intranquille, un superbe dossier réalisé par Dominique Minnegheer sur la poésie Argentine.

Un travail très intéressant mené autour de la problématique de l’écriture et du dire en poésie du point de vue de l’écriture polymorphe des poètes Argentins ou sud-américains et de la résonance critique de cette poésie au regard de l’histoire contemporaine.

Tous les auteurs /auteures et leurs travaux sont très intelligemment présentés, sans que le mythe Borgésien ne vienne « polluer » l’approche.

On y retrouve cependant l’énigme du texte pris entre allégories et réalité, mais aussi et surtout l’énergie -parfois celle du désespoir- et souvent la lucidité et l’audace (énonçant l’insupportable) de parler à la mort -parfois face à la mort- , de convoquer l’histoire en abolissant le temps ou à contrario en le rappelant, d’ouvrir un dialogue avec les forces obscures de la pulsion de mort comme avec celles qui créent et célèbrent la vie.

Ce que disent ces poètes est précisément ce qui ne peut se dire ou plutôt ce que l’on ne peut malheureusement presque jamais entendre hors du champ littéraire, parce que ce dire INESTHÉTIQUE (par opposition à l’illustration esthétique commune abondamment répandue par l’ordre médiatique et par l’ordre tout court) énonce explicitement les preuves accablantes d’une lâcheté ou d’une paresse collective dont les fictions -généralement entretenues par des intérêts consuméristes ou par la peur de l’autre, l’oubli etc.-, se substituent bien souvent à la contradiction du débat rationnel ou à l’intranquille expression artistique qui suscite sinon l’émotion, toujours un questionnement relatif à ce que nous faisons de notre vie.

Instructif cahier Argentin donc qui se révèle être, d’une certaine façon, un ensemble témoignant de l’originalité de la dialectique poétique et la justesse de son expression critique en prise avec les distorsions sociales, l’injustice économique et la barbarie, et de toute manière une formidable introduction/incitation à découvrir ou à redécouvrir les œuvres de ces très beaux représentants de la littérature hispano-américaine.

Pour ce qui concerne l’autre partie de la revue, ce sont les traducteurs qui ouvrent ce numéro 6 et proposent sur une vingtaine de pages des textes qu’une délicieuse porosité mutuelle rend étonnants.

Dans un autre dossier, au fil de créations toutes plus singulières les unes que les autres, on y  échange autour de la question du « Genre  » où les poèmes des intervenants actent un lien direct entre le réel et le langage.

Coup de cœur pour les textes de Besik KHARANAOULI – pardon de formuler ici quelques  préférences dans ce riche ensemble -, pour Marie COSNAY, Marie FRERING, Nina JÄCKLE, Abel ROBINO& Bernardo SCHIAVETTA, Denis-Louis COLAUX, Jean-Marc PROUST, Nini BERNARDELLO, et un petit (gros) pincement au cœur pour la présence de Héctor Viel TEMPERLEY qui est pour moi l’un des plus grands poètes de cette Argentine Éternelle.

R.Nivelle

 

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